Par Simon Paradis, préventionniste
L’écriture de cet article est le bilan d’un constat personnel de mes dernières années en tant que préventionniste œuvrant dans différents milieux et secteurs d’activités. Ainsi, j’ai eu la chance de croiser différentes entreprises dont le système de gestion de la santé et de la sécurité était exceptionnel, tandis que pour d’autres, il présentait certaines lacunes. Je vous expose donc, dans cet article, mon constat quant aux 10 points qu’ont en commun les entreprises qui performent le plus en SST. Ainsi, le constat est d’admettre que bien que ces milieux performants observés évoluent dans différents secteurs d’activités, il y a une corrélation directe existante entre ces points communs et les résultats obtenus.
Évidemment, il y a toujours des entreprises qui sont chanceuses dans leurs résultats en termes de fréquence ou de gravité des lésions, alors que des risques importants ne sont pas bien maîtrisés. Tôt ou tard cependant, ce sera malheureusement le retour du balancier. C’est le cas typique d’une entreprise qui n’a aucune lésion pendant plusieurs années et où soudain, un ou plusieurs accident(s) surviennent sur une courte période. Parfois, ce sont même des accidents majeurs.
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La haute direction ne se limite pas à afficher une politique SST sur un mur
Il y a des politiques SST très bien écrites qui laissent présager une organisation de la santé et de la sécurité du travail impeccable. Les rôles des différents intervenants sont clairement définis dans ce document et on laisse croire un haut niveau d’engagement pour la santé et la sécurité. Dans le bas du document, on y retrouve la signature de la haute direction. Mais est-ce le seul lien qui vous vient à l’esprit lorsque l’on associe haute direction et santé et sécurité ? Autrement dit, est-ce que l’implication de la haute direction au niveau SST se limite à signer une telle politique ? Est-ce que le contenu de cette politique est concret dans son application ou est-ce un vœu pieux, tout simplement ? Pouvez-vous nommer d’autres implications de la haute direction où un de ses membres est visible (ex : membre du comité SST, réunions périodiques avec les employés où on aborde les aspects SST, participation à des tournées d’inspection, etc.) ? Pire encore, est-ce que la haute direction est non seulement un fantôme pour les questions de prévention, mais bloque-t-elle également toutes les demandes de ressources monétaires, matérielles et humaines nécessaires au déploiement des actions préventives ?
Les entreprises qui performent le plus en SST ont un ou plusieurs membres de la haute direction impliqué(s) en prévention et cela démontre clairement l’importance accordée à ce dossier par l’entreprise. Il n’y a rien comme un président ou un directeur général leader en SST pour laisser présager une bonne performance à ce niveau. En revanche, il y a peu à espérer comme performance pour une entreprise dont la haute direction est peu ouverte aux questions touchant la santé et la sécurité du travail. Détail simple, en apparence, mais qui est sans aucun doute la base de la performance.
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Les superviseurs sur le plancher sont imputables des résultats SST et leurs objectifs tiennent compte de l’acquittement de leurs rôles et responsabilités à ce niveau
Les superviseurs sur le plancher ont un rôle clé dans l’application et le respect des politiques, des procédures et des règles de sécurité. Ils sont aussi la référence directe de vos employés. Si la SST ne semble pas importante pour ceux-ci, il a fort à parier que cela sera aussi sans importance pour vos employés. Les superviseurs ont des tâches en lien avec la production et sont imputables des résultats à ce niveau. Garderons-nous longtemps en poste un superviseur qui n’atteint pas les objectifs de production ? Il a fort à parier que non.
Peu d’entreprises donnent aussi des objectifs aux superviseurs reliés à l’acquittement de leurs rôles et responsabilités au niveau SST. Pourtant, c’est ici l’une des clés essentielles au succès. Le superviseur a un rôle et des responsabilités SST, qu’on le veuille ou non, qui découle de l’article 51 de la loi sur la santé et la sécurité du travail et de la loi C-21. Il devrait donc être non seulement mis au fait de ces rôles et responsabilités spécifiques dans l’entreprise, mais cela doit aussi faire partie des attentes pour le poste. Les entreprises qui ont compris ce point ont bien défini ces rôles et responsabilités SST de leurs superviseurs et cela fait partie aussi de la définition du poste.
Encore là, il faut faire appliquer et valider cette application des rôles et des responsabilités.
Combien d’entreprises intègrent l’attitude face à la SST comme critère dans la sélection d’embauche des superviseurs ? L’évaluation du personnel de supervision devrait en tenir compte également. Voici quelques un de ces critères pouvant être ajoutés aux évaluations de vos superviseurs :
- A une attitude positive face à la SST;
- Effectue des rencontres SST périodiques pour parler de prévention;
- Est proactif dans la réalisation des actions dont il est responsable en SST;
- Donne l’exemple en SST;
- Accorde une grande priorité à la SST dans la gestion quotidienne des opérations;
- Garde son département en bon ordre;
- Ne tolère pas les comportements non sécuritaires et encourage les bons comportements.
Le superviseur performant dans son rôle et dans ses responsabilités SST encourage les comportements sécuritaires, est intolérant face aux comportements non sécuritaires, effectue des capsules préventives de façon régulière avec son équipe, agit pour corriger les situations non sécuritaires, etc. Bref, il est un acteur clé de la prévention dans l’entreprise et pour lui, la prévention doit aussi faire partie du quotidien des travailleurs sous sa supervision.
Lorsqu’on doit gérer le comportement et l’attitude non sécuritaire d’un superviseur, cela laisse présager un risque important d’accidents dans son département ! Si les efforts pour le ramener sur la bonne piste sont sans résultat, on peut en arriver à se demander si ce superviseur est vraiment à sa place ? Et oui, malgré toutes ses bonnes qualités et le savoir-faire bénéfique au département. Les entreprises performantes en SST ont compris l’importance de l’attitude du superviseur pour arriver à de bons résultats.
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Le plan d’action SST est suivi avec rigueur et le niveau d’avancement est significatif
Un plan d’action SST a bien beau être représentatif des besoins et vouloir s’attaquer à des risques importants, encore faut-il que les actions se prennent par la suite et que les échéanciers soient respectés. Les entreprises qui performent le plus en SST on ce point en commun qui est d’une importance capitale pour l’obtention de résultats. La mesure de l’avancement des activités préventives prévues au plan est révélatrice d’une rigueur significative dans la prise en charge des actions. Lorsque les échéanciers sont sans cesse repoussés, on peut difficilement espérer une performance. À vrai dire, on crée également une démobilisation des gens qui y croient.
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Les principaux volets de la prévention sont maîtrisés et on s’attaque maintenant à la formation au poste, à l’ergonomie et aux méthodes de travail
Dans un programme de prévention, les volets de base (cadenassage, travail en hauteur, SIMDUT, espaces clos, formations sur équipements roulants, travaux à chaud, contraintes thermiques, programmes d’inspection des lieux, programme de protection respiratoire, etc.) sont d’une grande importance. Non seulement ces volets sont maîtrisés par ces entreprises qui performent le plus, mais on s’attaque aussi maintenant à des volets plus spécifiques aux tâches réalisées au quotidien et qui peuvent être à l’origine de plusieurs lésions professionnelles. Ainsi, ces entreprises ont aussi amélioré les méthodes de travail spécifiques à certaines tâches les plus critiques, ont analysé les tâches au niveau ergonomique et ont développé la formation spécifique au poste de travail. Il s’agit ici d’un haut niveau de maîtrise dans le système de gestion de la santé et de la sécurité.
Cela ne veut pas dire d’attendre que toute la base soit en place pour s’attaquer à ces dossiers plus spécifiques. Le tout peut se faire en parallèle.
C’est ainsi un niveau plus spécifique de la prévention où l’on tient compte pleinement de la réalité des risques propres au poste de travail. Lorsqu’une entreprise a créé des formations au poste tenant compte de tous ces aspects, qu’elle a dispensé ces formations, que les employés sont évalués et audités à ce niveau, cela va de pair avec un système de gestion de la prévention solide et efficace.
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Les comportements non sécuritaires sont gérés, les bons comportements SST sont valorisés
Loi C-21, diligence raisonnable, responsabilités des superviseurs en matière de SST… Le devoir d’autorité du superviseur et de l’entreprise est clairement défini. Il doit agir en cas de non-respect des politiques, des procédures sécuritaires de travail ou des règles. Mais combien des superviseurs agissent réellement ? Si vous faites le bilan des avis disciplinaires des dernières années au niveau SST, combien y en a-t-il qui ont été émis ? Ou encore, est-ce qu’il y en a eu qui ont été émis ? Il ne s’agit pas ici de faire un concours du nombre d’avis disciplinaires remis, il s’agit simplement de faire le constat que souvent, on a tendance à se mettre des œillères et laisser passer. Les entreprises les plus performantes au niveau SST ont compris que des employés dont les comportements sont non sécuritaires sont davantage enclins à se blesser au travail et qu’on ne doit pas tolérer de tels comportements. Oui, il y a la peur de déplaire dans un contexte de grande rareté de la main-d’œuvre, c’est d’ailleurs souvent l’argument qui est avancé. Mais est-ce qu’un événement où un employé qui perd un membre en ne respectant pas une procédure de cadenassage peut se justifier par la peur de déplaire ? Ce n’est pas pour rien que le Code criminel a été modifié en 2004 avec la notion de diligence raisonnable. Personnellement, je crois qu’il vaut mieux agir au niveau disciplinaire et se faire bouder pour quelques jours que de tolérer et apprendre que d’étirer l’élastique a mené à un accident majeur ! Mettre sur le dos de la rareté de la main-d’œuvre notre laxisme à ce niveau ne peut être envisageable ! Pensons également aux coûts directs et indirects de l’accident (perte de main-d’œuvre qualifiée, absentéisme, recrutement et formation du remplaçant, crédibilité de l’entreprise et attractivité).
Une autre forme de gestion des comportements, bien que moins utilisée, est de valoriser les comportements sécuritaires. « J’ai vu que tu respectes la nouvelle règle du port de la visière combinée aux lunettes de sécurité lors de l’utilisation du grinder, merci pour ton implication ». Un superviseur qui prend la peine de reconnaître ces bons coups ne peut être qu’une source supplémentaire de motivation pour les employés à répéter ces bons coups et ces bons comportements. L’être humain a tendance à répéter ce qui a mené à sa reconnaissance, c’est un fait. C’est aussi, en quelque sorte, démontrer que vous agissez en tant que superviseur au niveau de l’acquittement de vos responsabilités SST. En reconnaissant les bons coups, cela laisse présager que vous les valorisez dans votre département et que vous vous attardez aux questions touchant la SST.
Les entreprises qui performent en SST ont un niveau de culture SST tel que ces bons coups sont valorisés. Cependant, en contrepartie, elles sont aussi intolérantes face aux comportements non sécuritaires.
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L’ensemble des membres de l’organisation a une fierté de la culture SST et des accomplissements
On ne le dit jamais assez, la santé et la sécurité au travail, pour que ça marche, ça prend une implication générale de tous les membres d’une organisation. Sans implication de la haute direction, des superviseurs ou des employés, il s’agit d’un coup d’épée dans l’eau pour dresser un portrait clair de cette inefficacité. Les entreprises les plus performantes obtiennent des résultats, mais cela se traduit aussi par une fierté avec reconnaissance des efforts de tous. Repas payé aux employés avec discours du président, affiche d’un nombre de jours sans accident sur la devanture du bâtiment, affichage d’un cadre des Grands prix CNESST pour une innovation, remise d’un certificat-cadeau aux employés ayant contribué à l’avancement d’un projet, ayant soumis une idée qui se démarque, etc. Les entreprises qui performent le plus en SST en sont fières et cela se témoigne dans différentes situations et par différents moyens. Cette fierté et cette préoccupation s’expriment aussi par une préoccupation commune pour la santé et la sécurité des collègues. Dans ces entreprises, il n’est pas rare de voir des employés fortement mobilisés et impliqués intervenir en voyant des employés moins expérimentés dévier dans l’application sécuritaire d’une méthode de travail ou d’une règle SST.
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Le CSS est efficace
Dans les entreprises performantes en SST, le comité SST est représenté par des membres motivés qui n’ont pas peur de s’impliquer. Chacun s’acquitte de ses tâches entre les rencontres et le comité n’est pas pris dans une liste d’épicerie dans laquelle les problèmes ne font que s’accumuler et s’étirer. Une personne d’influence pouvant facilement faire bouger les choses est aussi membre du comité. On fait ici référence, par exemple, à un membre de la haute direction. Le comité SST travaille en partie sur des projets concrets et stimulants (ex : réorganisation de la cohabitation chariot élévateur et piéton dans l’usine). À cela, s’ajoute un suivi efficace des premiers soins et accidents de travail survenus au niveau des correctifs préventifs à apporter, un suivi rigoureux et la réalisation des inspections des lieux, ainsi que le suivi du plan d’action SST.
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Les accidents de travail sont enquêtés, analysés et les correctifs sont réalisés avec efficacité
Les entreprises qui performent le plus en SST ont compris qu’un accident de travail est souvent à causes multiples et qu’une bonne enquête et analyse d’accident permet de remonter jusqu’aux causes fondamentales et donc, garanti une faible probabilité d’occurrence répétitive d’un tel événement.
Mais encore, faut-il que cette enquête et analyse soit réalisée par une personne formée en la matière. Trop souvent, les formulaires d’enquête et d’analyse sont incomplets et découlent sur une identification de causes immédiates uniquement et ne s’attardent pas aux causes fondamentales qui elles, cachent des problématiques beaucoup plus significatives et profondes. Les correctifs apportés sont alors beaucoup moins efficaces.
Également, on trouve aussi des formulaires complétés sans mesures correctives inscrites, ce qui est sans contredit improductif comme processus. Bien que parfois, les correctifs à apporter soient peu nombreux au niveau des possibilités, il n’en demeure pas moins qu’on peut au minimum communiquer l’événement aux employés et faire un rappel. Les entreprises qui performent le plus en SST assurent le suivi de ces rapports jusqu’à ce que les correctifs soient entièrement réalisés. On conserve aussi une traçabilité de la réalisation des correctifs.
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L’entreprise gère ses dossiers d’accidents avec efficacité
Dans les entreprises performantes en SST, la procédure de déclaration d’accident est clairement définie. L’entreprise est proactive sur l’offre de l’assignation temporaire et dans les démarches de contestation et de partage de coûts au niveau des dossiers d’accidents. Dans certaines entreprises, parfois, cela va à la deuxième ou à la 3e visite avant que l’employé ne présente un formulaire d’assignation temporaire à son médecin. Il y a moyen de rendre le système beaucoup plus efficace. Certaines entreprises du transport, par exemple, déposent d’ailleurs ces formulaires accessibles dans les véhicules de leurs chauffeurs. Bien qu’une bonne gestion ne fasse pas diminuer la fréquence des événements, elle peut cependant grandement en limiter la gravité.
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En résumé, l’entreprise est en mode action et non en mode réaction
Il n’y a jamais eu, il n’y a pas et il n’y aura jamais de cadeau en prévention. Les choses ne se font pas d’elles-mêmes. C’est une question de travail acharné et sans relâche pour arriver au succès.
La chance peut vous suivre pour quelques années, mais tôt ou tard, les défaillances de votre système de gestion de la prévention causeront des accidents. Les entreprises qui agissent et qui ne font pas que remettre toujours à plus tard sont celles qui ont les meilleurs résultats si l’on veut résumer cet article en une simple phrase. C’est une question de rigueur au quotidien.
On tente de travailler pour modifier les comportements d’êtres humains provenant de différents milieux, ayant différentes valeurs et opinions. C’est une réalité plus vraie aujourd’hui que n’importe quand auparavant. Conditionner ces personnes sur des comportements, des règles et des méthodes de travail spécifiques, c’est sans contredit l’un des plus gros défis d’une entreprise. Mais cela se fait ailleurs et avec succès. Il suffit d’y croire, de s’entourer de partenaires clés et finalement, d’agir.
« Derrière chaque grande performance, il y a un grand cadre ».
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