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Par Jescika Lauzière, avocate

Dans le cadre d’un litige présentable devant le Tribunal administratif du travail (ci-après «TAT»), le législateur a mis en place en 1985, le principe de conciliation. Il a adopté ce principe dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Depuis cette immersion, le Tribunal offre un service gratuit de conciliateur permettant ainsi aux parties de régler le litige à la satisfaction de tous.

Cet article se veut d’un cadre explicatif afin de vous détailler les différentes formes de règlement. En effet, le règlement conclu dans le cadre du processus de conciliation offert par le TAT peut prendre la forme d’un accord, d’une transaction, d’un désistement ou d’une combinaison de ceux-ci.

Sans exhiber une revue exhaustive de toutes les considérations légales et administratives propres à la conclusion d’un règlement, cet article portera d’abord sur les caractéristiques de chaque forme de règlement. Suivi d’exemples pratico-pratique de la mise en œuvre d’un règlement entre les parties. Ceci mènera à présenter certaines considérations entourant le règlement au Tribunal administratif du travail.

L’accord

Dans un premier temps, il est impérial de mentionner que l’accord est spécifiquement prévu à l’article 21 de Loi instituant le Tribunal administratif du travail, bien qu’il n’y soit pas défini. Les règles de droit civil en matière contractuelle servent de cadre de référence.

  1. Si les parties à une affaire y consentent, le président du Tribunal, ou encore un membre du Tribunal ou un membre du personnel désigné par le président, peut charger un conciliateur de les rencontrer et de tenter d’en arriver à un accord.

Tout comme la transaction peut avoir pour conséquence de mettre fin à un procès, l’accord met fin à l’instance devant le Tribunal administratif du travail lorsqu’il est entériné par le juge. L’objectif poursuivi par cette procédure est de confirmer, modifier ou infirmer une décision de la C.N.E.S.S.T. ou de son instance de révision.

Par ailleurs, en vertu de l’article 23 de la Loi instituant le Tribunal administratif du travail, tout accord est constaté par écrit et les documents auxquels il fait référence y sont annexés, s’il en. Il est signé par les parties et, le cas échéant, par le conciliateur.

De surcroît, en vertu de l’article 22 de la Loi instituant le Tribunal administratif du travail, vous devez savoir que rien de ce qui a été dit ou écrit au cours d’une séance de conciliation n’est recevable en preuve à moins que les parties n’y consentent.

Cet accord est entériné par le juge siégeant au Tribunal dans la mesure où il est conforme à la loi. Si tel est le cas, celui-ci constitue alors la décision du Tribunal et il met fin à l’instance. Il aura donc acquis la valeur d’un jugement, qui deviendra obligatoire et liera les parties.

Contrairement à la transaction qui, elle, ne lie que les parties signataires, la décision du Tribunal qui entérine l’accord est opposable aux tiers. C’est-à-dire que tout le monde doit le respecter, même les personnes qui ne l’ont pas signé.

Advenant le refus du Tribunal d’entériner l’accord intervenu entre les parties, celles-ci seront convoquées à une audience qui sera tenue dans les meilleurs délais.

La transaction

Dans un deuxième temps, inversement à l’accord, la transaction n’est pas spécifiée dans la Loi instituant le Tribunal administratif du travail. Cette notion juridique est traitée à l’article 2631 du Code civil du Québec qui se lit comme suit :

  1. La transaction est le contrat par lequel les parties préviennent une contestation à naître, terminent un procès ou règlent les difficultés qui surviennent lors de l’exécution d’un jugement, au moyen de concessions ou de réserves réciproques.

                Elle est indivisible quant à son objet.

Il appert que toutes les conditions relatives au contrat trouvent application lors de la négociation d’une transaction. Contrairement aux autres modes de règlements, les articles 1399 et 1400 du Code civil du Québec régissent la situation:

  1. Le consentement doit être libre et éclairé.

Elle peut être viciée par l’erreur, la crainte ou la lésion.

  1. L’erreur vicie le consentement des parties ou de l’une d’elles lorsqu’elle porte sur la nature du contrat, sur l’objet de la prestation ou, encore, sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement.

En pratique, la transaction sera souvent conditionnelle ou accessoire à un désistement ou à un accord dans le cadre d’un même litige. Elle sera également confidentielle. Il sera important de valider avant la signature de l’acte que le conciliateur ait inséré la clause de confidentialité.

Selon la jurisprudence québécoise, trois conditions sont nécessaires pour qu’il y ait transaction, soit l’existence d’une contestation, la renonciation au recours juridictionnel et la réciprocité des concessions.

Par exemple, nous pouvons retrouver une transaction entre l’employeur et le travailleur dans laquelle le travailleur renonce à sa contestation devant le Tribunal pour un refus de sa réclamation à la C.N.E.S.S.T en contrepartie du remboursement à la C.N.E.S.S.T par l’employeur de la somme des 14 premiers jours.

Il est primordial de mentionner que la transaction n’est pas opposable aux tiers. Vous pouvez donc l’utiliser seulement contre la partie signataire dudit document.

Le désistement

Dans un troisième temps, le désistement se définit comme étant un acte juridique, à caractère définitif et irrévocable, par lequel une partie retire la contestation qu’elle a déposée au tribunal ou tout recours soumit à une autre instance. Puisque son annulation nuit à la stabilité des décisions, une demande d’annulation n’a pas d’effet automatique et ne relève pas d’une simple formalité.

En pratique, plusieurs litiges seront réglés par un désistement considérant le fait qu’une contestation est souvent déposée afin de protéger les droits des parties en tenant compte que les délais de contestations sont courts et de rigueur, cette contestation sera souvent présentée initialement pour protéger les intérêts d’une partie et, a éventuellement, se terminer, par un désistement.

Il appert également que le désistement sera produit souvent comme étant conditionnel à l’obtention d’un entérinement d’un accord ou d’une transaction.

De la théorie à la pratique

Selon l’article La conciliation, une mise à jour et les considérations pratiques, publié par le Barreau du Québec en 2011, [1] la moitié des dossiers présentables devant le Tribunal administratif du travail se règle avant l’audience. Nous vous soumettons, une liste non exhaustive de stratégie pouvant être intéressante dans le cadre de vos litiges.

«(1) L’admission de la reconnaissance de la lésion professionnelle quand l’admissibilité a été refusée initialement;

(2) Le désistement du travailleur de sa contestation sur l’admissibilité en contrepartie d’un remboursement par l’employeur dans le cadre d’une transaction de la somme d’argent représentant la période obligatoire (surpayé réclamé par la C.S.S.T.);

(3) Le désistement du recours du travailleur en contrepartie d’une somme forfaitaire payée par l’employeur, négociée dans le cadre d’une transaction et qui représenterait la différence entre les sommes d’argent reçues par le travailleur dans le cadre de l’assurance-emploi maladie ou un régime d’assurance invalidité;

(4) Le désistement du recours du travailleur en contrepartie d’une suspension des sommes réclamées par la C.S.S.T. en négociant avec cette dernière;

(5) Si la contestation tient son origine d’une décision de la C.S.S.T. faisant suite à un avis du Bureau d’évaluation médicale (ci-après appelé BEM), le travailleur peut accepter de rétroagir la date de consolidation contre un engagement de l’employeur dans le cadre d’une transaction:

                   (i) de se désister d’une contestation qu’il aurait logée quant à l’admissibilité de la lésion professionnelle;

                   (ii) à rembourser toutes sommes d’argent que la C.S.S.T. pourrait réclamer au travailleur à la suite de l’entérinement de l’accord négocié;

                   (iii) du paiement d’une somme forfaitaire représentant une atteinte permanente lorsque, par exemple, on est en présence d’un jeune travailleur et dont on ne voudrait pas hypothéquer une carrière future.

 (6) Si le travailleur présente des limitations fonctionnelles ou une atteinte permanente dans le cadre d’une transaction:

                   (i) le travailleur pourrait admettre qu’il n’existe pas de tâche adaptée à sa condition et, en contrepartie, son employeur se désisterait de sa contestation sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles, ce qui aurait pour conséquence de permettre au travailleur de bénéficier des services de réadaptation  de la C.S.S.T.

                   (ii) il pourrait s’agir d’un engagement de l’employeur à fournir un poste adapté aux limitations fonctionnelles du travailleur en contrepartie d’une date de consolidation plus courte de la lésion professionnelle.

(7) Dans le cadre d’un accord, les parties reconnaissent que l’accident de travail ou la maladie professionnelle a aggravé une condition personnelle préexistante et asymptomatique. Ce type de règlement est plus facile à négocier lorsque le diagnostic a été contesté au BEM.

 (8) Dans le cadre d’un accord, les parties peuvent reconnaître qu’une rechute, récidive ou aggravation est survenue d’une lésion professionnelle antérieure, si le litige porte sur une l’admissibilité d’une lésion qui a été contestée.

 (9) Si le litige porte sur une plainte déposée en vertu de l’article 32 L.A.T.M.P. ou de l’article 227 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (ci-après appelée L.S.S.T.)  ou résulte d’un congédiement, les parties peuvent s’entendre sur:

                   (i) un désistement du recours en contrepartie d’une somme d’argent;

                   (ii) une reconnaissance de l’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles par l’employeur permettant ainsi au travailleur de bénéficier du service de la C.S.S.T. en matière de réadaptation;

                   (iii) une reconnaissance de la plainte par l’employeur, mais sans préjudice ou admission   

                   (iv) une modification des tâches du travailleur lui permettant ainsi de conserver son emploi.

(10) Les parties peuvent s’entendre à renverser la reconnaissance de la lésion professionnelle en contrepartie d’un engagement de l’employeur:

                   (i) à payer une somme forfaitaire et à rembourser à la C.S.S.T. toutes sommes qu’elle pourrait réclamer;

                   (ii) à donner au travailleur une autre tâche particulière qu’il a la capacité d’accomplir

En conclusion

À la lumière de ces constatations, depuis l’instauration par le législateur de la procédure de conciliation, en 1985, plusieurs dossiers ont fait l’objet d’un accord, un désistement ou d’une transaction entre les parties.

Dans cet esprit, étant donné les frais et honoraires qu’engendre un procès devant le Tribunal administratif du travail, les coûts d’imputation pour un employeur et les risques de perdre ou de gagner, un règlement à l’amiable est souvent profitable. Vous aurez donc tout avantage à considérer la possibilité de régler le litige à l’amiable avant l’audience prévue devant le Tribunal administratif du travail.

[1] https://edoctrine.caij.qc.ca/developpements-recents/334/368037476

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