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Par Chantale Lemay, avocate

Dans le cadre de la gestion des réclamations pour une lésion professionnelle, les employeurs vont souvent recourir à l’expertise médicale. Bien entendu, lorsqu’il s’adresse à un médecin expert, l’employeur pose les questions relatives au diagnostic, à la date de consolidation, à la nécessité des soins et à l’existence ou non de séquelles. Il s’agit là des questions généralement posées au médecin dans le cadre d’un mandat d’expertise usuel. Toutefois, il se peut que dans certaines circonstances, l’employeur veuille questionner l’expert au-delà de ces questions.

En effet, selon les circonstances, l’employeur pourrait vouloir en savoir davantage, notamment, sur la relation médicale entre le diagnostic et l’événement allégué, sur l’existence d’une maladie intercurrente, ou sur la présence d’une condition personnelle préexistante. Les réponses à de telles questions constituent souvent des éléments stratégiques permettant à l’employeur d’orienter la gestion de son dossier à plus long terme.

Ces questions plus particulières étaient donc adressées au médecin expert qui pouvait y répondre dans le cadre d’une note médico-administrative. Ce rapport n’était pas remis au travailleur.


Aujourd’hui, il semble que le temps de ces communication privilégiées avec l’expert soit résolu.


En effet, le 20 janvier 2016, le Collège des médecins du Québec a diffusé une directive intitulée Le mandat d’expertise : transparence et pertinence. Par cette directive, le Collège réitère certaines règles déontologiques et indique que la production d’un tel rapport médico-administratif contreviendrait à ces obligations :

« Un médecin mandaté pour donner son opinion à un tiers à la suite de l’évaluation d’un patient ne peut accepter une telle procédure (-rapport médico-administratif-) qui est contraire à ses obligations déontologiques.

En effet, l’expert doit faire connaître avec objectivité et impartialité à la personne soumise à l’évaluation ou à l’expertise le but de son travail, les objets de l’évaluation ou de l’expertise et les moyens qu’il compte utiliser pour la réaliser. Il doit également informer le patient du nom du destinataire de son rapport et de la manière d’en obtenir copie.

L’expert doit donc informer la personne qu’il évalue des questions précises auxquelles on lui demande de répondre dans le cadre du mandat qui lui est confié et s’assurer qu’elle comprend bien le but de l’évaluation. La personne expertisée doit éventuellement pouvoir avoir accès à la totalité du rapport transmis au mandant.

Le médecin expert doit limiter la communication au mandant aux seuls commentaires, informations ou interprétations nécessaires pour répondre aux questions soulevées par l’évaluation ou l’expertise demandée. »

D’abord, le Collège des médecins précise que l’actualité judiciaire très médiatisée des derniers mois justifie cette précision concernant les obligations des médecins experts. Ainsi, le Collège réfère à une décision récente du conseil de discipline du Collège des médecins du Québec. Dans cette affaire, le professionnel agissant à titre de médecin-conseil d’une entreprise est reconnu coupable de plusieurs chefs d’accusation à propos d’une expertise effectuée dans le cadre de la gestion d’une invalidité. Les chefs d’accusation portaient sur divers manquements aux obligations déontologiques ainsi que des irrégularités dans son rapport. Il est toutefois surprenant de constater que ladite décision ne fait aucunement référence à un quelconque manquement en lien avec l’existence d’un rapport médico-administratif.

Au moyen de cette directive, le Collège veut s’assurer que ses membres respectent leurs obligations déontologiques en matière de transparence et d’objectivité. En effet, les médecins experts doivent rendre leur avis avec indépendance, rigueur, fiabilité et éthique, et ce, peu importe qui confie le mandat. Ceci ressort d’ailleurs de la directive récemment émise par le Collège :

Nous pouvons cependant nous demander en quoi ces obligations déontologiques s’opposent au concept des rapports médico-administratifs.

D’ailleurs, depuis la publication de cette directive, plusieurs médecins et entreprises d’expertise médicale ont pris position à son égard. En effet, dorénavant, plusieurs de ces mandataires refuseront de produire des rapports médico-administratifs et répondront à l’ensemble des questions posées dans le rapport d’expertise et d’autres insisteront lors de l’examen sur le rôle de l’expert et le mandat confié.


Or, cette nouvelle directive, qui n’est pas de nature contraignante puisqu’il ne s’agit pas d’une loi, semble contrevenir à certains principes jurisprudentiels établis au fil de ans.


Cette nouvelle directive du Collège des médecins suscite plusieurs questions et inquiétudes pour les employeurs. En effet, si les rapports médico-administratifs sont interdits, cela implique que les opinions médicales sur les différentes questions de nature administrative feront maintenant partie intégrante du rapport d’expertise. Sur le plan stratégique, cette situation peut s’avérer délicate, voir même compromettante eu égard aux décisions prises par l’employeur dans le cadre du suivi du dossier.

Cette nouvelle directive du Collège des médecins suscite plusieurs questions et inquiétudes pour les employeurs. En effet, si les rapports médico-administratifs sont interdits, cela implique que les opinions médicales sur les différentes questions de nature administrative feront maintenant partie intégrante du rapport d’expertise. Sur le plan stratégique, cette situation peut s’avérer délicate, voir même compromettante eu égard aux décisions prises par l’employeur dans le cadre du suivi du dossier.

Quoi qu’il en soit, cette nouvelle directive du Collège des médecins semble vouloir trouver application puisqu’elle est suivie par les experts médicaux. Ceci devra donc amener les employeurs à revoir leur façon de faire en matière de gestion d’invalidité et de mandats confiés aux experts.

En somme, les employeurs doivent garder en tête que dorénavant, le recours aux rapports médico-administratifs sera limité. Comme auparavant, le mandat doit être clair, précis et contenir exclusivement des questions s’intégrant au travail d’un médecin expert. Ainsi, les questions d’ordre purement administratives, que ce soit à propos de la pertinence d’une filature, de l’attitude d’un salarié dans le cadre de l’expertise ou des questions hors du champ d’expertise, ne doivent pas être visées par un mandat.

Au cours des prochains mois, nous pourrons voir comment évoluera la gestion des dossiers et comment réagiront les médecins experts et les médecins-conseils à cette directive.


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