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Par Simon Paradis, préventionniste 

En 2017, une grande entreprise me donnait le mandat de diagnostiquer ce qui faisait en sorte que son comité SST avait des difficultés à corriger les nombreux points soulevés. En effet, on me mentionnait qu’il était très difficile d’avancer et que les correctifs à mettre en place étaient continuellement repoussés dans le temps.

En prenant connaissance des derniers procès verbaux, j’ai rapidement constaté que ce comité SST gérait une liste d’épicerie et qu’il était pris dans un cercle vicieux, enseveli par des points à corriger toujours plus nombreux d’une rencontre à l’autre.

Bien qu’il s’agissait d’une grande entreprise, près de 60 points étaient actifs et certains dataient de plus de un an. Également, certaines demandes ne concernaient même pas la santé et la sécurité. J’ai aussi constaté que certains points étaient apportés au comité SST alors qu’il s’agissait pourtant de points urgents à corriger. Je constatais également que certains problèmes étaient dans les mains du comité SST, alors qu’un superviseur aurait très bien pu les adresser lui-même dans son département. D’autres problèmes soulevés ne nécessitaient que l’intervention du superviseur de la maintenance, et ce, sans nécessité de consulter les autres membres de l’entreprise. Bref, plusieurs points soulevés passaient par l’intermédiaire du comité SST, alors que cela n’était pas nécessaire et cela constituait même une perte de temps inutile.

Un autre élément qui m’a marqué, aucuns responsables, ni échéanciers ne figuraient dans la liste des correctifs. Le responsable SST m’expliquait alors que c’est lui-même, suivant les rencontres, qui faisait le maximum pour que les correctifs soient exécutés.

De plus, j’ai constaté, à la lecture du procès verbal, que très peu d’activités impliquant les membres étaient réalisées. On se limitait ainsi à faire la revue des accidents survenus depuis la dernière rencontre, pour ensuite attaquer cette fameuse liste des points à corriger. Comment peut-on espérer motiver et impliquer nos membres dans un tel contexte ?

Finalement, ce qui m’a le plus frappé était que malgré que très peu de points se corrigeaient d’une rencontre à l’autre, les réunions duraient plus de 4 heures !

Ceci m’amène à identifier des symptômes pouvant être décelés dans un comité SST gérant une liste d’épicerie :

Mais face à un tel constat, comment pouvons-nous sortir concrètement de ce cercle vicieux ? Tout d’abord, il faut sans aucun doute limiter le nombre de points admissibles au comité, et ce, par l’application de critères d’admissibilité. Ainsi, voici des critères, sous formes de questions, pouvant être pertinents ;

La problématique concerne-t-elle la santé et la sécurité ?

Trop souvent, les gens ont tendance à mélanger des points qui concernant l’amélioration continue des postes de travail, la production, l’entretien ou la maintenance avec la santé et la sécurité. On peut facilement faire un lien avec beaucoup de choses lorsque l’on parle de SST, mais avec cette première question, il faut valider s’il est raisonnable ou non que ce point soit considéré comme un point  SST a priori. Par exemple, on éviterait d’adresser au comité SST la nécessité de réparation d’une porte qui a été happée et brisée, la réalisation d’un 5S dans un poste de travail lorsque la tenue des lieux n’est pas un enjeu de sécurité, c’est-à-dire que le 5S est davantage réalisé dans le but d’augmenter l’efficacité dans la gestion du temps, etc.

Est-ce une urgence ?

Autrement dit, est-ce qu’il est raisonnable, compte tenu du niveau de risque potentiel estimé, d’attendre la prochaine réunion du comité pour régler la problématique ?

La problématique peut être facilement réglée par moi-même et mon superviseur dans mon département ou encore par une demande au département de la maintenance ?

Ceci signifie que je me questionne à savoir si je suis en mesure, avec l’aide de mon superviseur, de réaliser le correctif ou encore si un simple bon de travail écrit au département de la maintenance permettrait aussi de régler la problématique. Par exemple, un garde de sécurité brisé pourrait facilement faire l’objet d’une réparation par l’équipe de la maintenance. Un intermédiaire (le comité SST) n’est pas une valeur ajoutée dans le traitement d’une telle demande.

La problématique nécessite-t-elle un consensus et une analyse de l’équipe des membres du CSS ?

Ici, on s’interroge à savoir si la décision nécessite une prise de position et une analyse par un groupe dédié aux questions de santé et de sécurité, c’est-à-dire le comité SST. Par exemple, bien que je puisse proposer à mon superviseur d’exiger de tous des lunettes de sécurité dans mon département (question affirmative en C), il serait souhaitable que le comité SST tranche la question. De plus, si on décide d’imposer les lunettes de sécurité dans mon département, la question de l’application du port de cet équipement de protection individuelle dans les autres départements devrait sans aucun doute être adressée en même temps. Il faudra aussi faire le choix d’un modèle de lunettes. Il s’agit donc d’une question nécessitant un consensus.

Dans un comité qui ne gère pas de liste d’épicerie, il peut arriver que des points soient traités alors qu’ils ne seraient pas admissibles selon ces critères. Il ne faut pas non plus tomber dans l’extrême de la rigidité. De tels critères se veulent particulièrement utiles lorsque la liste des points à corriger est trop importante pour les capacités de l’entreprise.

Ensuite, comme stratégie pour sortir du cercle vicieux des listes d’épicerie, l’entreprise qui a un nombre très important de points non corrigés pourrait adopter la stratégie du gel, le temps de corriger les points actuellement actifs.

Une réunion avec les départements concernés par les correctifs permettrait ainsi d’établir un échéancier de rattrapage des correctifs. L’évaluation des capacités de l’entreprise, via ses ressources internes, à réaliser la liste des correctifs requis devrait alors être effectuée. Au besoin, on pourra alors penser faire appel à des sous-traitants pour faire avancer rapidement le dossier. Évidemment, cela nécessite la conscientisation de la haute direction de la problématique existante et son ouverture à faire avancer les choses. Ainsi, l’entreprise pourrait effectuer un gel des nouveaux points à soumettre au comité SST. Autrement dit, on pourrait établir un quota du nombre de points admissibles et refuser des nouveaux points jusqu’à ce qu’on soit sous le nombre du quota établi. Avec cette stratégie, le comité pourra alors davantage de pencher sur la réalisation de projets, plutôt que de gérer une fameuse liste (ex : campagnes de sensibilisation thématiques, concours SST, inspection des lieux, mise en place d’un slogan pour renforcer la valeur SST, suivi plus rigoureux des accidents de travail et des statistiques, etc.).

Une formation pourrait également être donnée auprès des employés actuels et futurs en ce qui concerne la mise en application des critères pour soumettre des points au comité SST, ceci dans le but de rendre davantage efficace le processus de règlement des points soulevés et ainsi éviter que le comité SST ne perde du temps à rediriger les demandes vers d’autres ressources.

Finalement, mentionnons qu’il est essentiel d’évaluer le niveau de risque afin d’établir des priorités dans le règlement des demandes. Ceci justifiera aussi mieux les délais de certaines demandes auprès des demandeurs.

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