Par Michel Chabot CRHA, Conseiller associé en santé et sécurité du travail
Depuis la légalisation du cannabis, Loi sur le cannabis (issue du projet de loi C45, en vigueur depuis 17 octobre 2018), dans les milieux de travail, plusieurs se demandent si cela a changé quelque chose!
Petit rappel sur la loi encadrant le cannabis
- Interdiction pour un mineur de posséder du cannabis;
- Possession maximale de cannabis sur soi est de 30 grammes;
- Possession maximale de cannabis chez soi est de 150 grammes;
- L’usage est interdit aux mêmes endroits que le tabac;
- Interdiction de fumer du cannabis dans les milieux de travail à l’exception de ceux situés dans une résidence privée;
- L’employeur peut encadrer, y compris interdire, toute forme d’usage du cannabis pour les membres de son personnel sur les lieux de travail.
Suite à la légalisation du cannabis, le législateur a dû modifier l’article 51,2 de la LSST afin de préciser l’obligation de l’employeur dans sa gestion de son personnel:
51.2 L’employeur doit veiller à ce que le travailleur n’exécute pas son travail lorsque son état représente un risque pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique, ou encore celle des autres personnes qui se trouvent sur les lieux de travail ou à proximité de ces lieux, notamment en raison de ses facultés affaiblies par l’alcool, la drogue, incluant le cannabis, ou une autre substance similaire.
Sur un chantier de construction, l’état d’un travailleur dont les facultés sont affaiblies par l’alcool, la drogue, incluant le cannabis, ou une substance similaire représente un risque aux fins du premier alinéa.
Par le fait même, le législateur a modifié aussi les obligations du travailleur
49.1 Le travailleur ne doit pas exécuter son travail lorsque son état représente un risque pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique, ou encore celles des autres personnes qui se trouvent sur les lieux de travail ou à proximité de ces lieux, notamment en raison de ses facultés affaiblies par l’alcool, la drogue, incluant le cannabis, ou une substance similaire.
Sur un chantier de construction, l’état d’un travailleur dont les facultés sont affaiblies par l’alcool, la drogue, incluant le cannabis, ou une substance similaire représente un risque aux fins du premier alinéa.
Concernant le Code criminel
Le Code criminel prévoyait déjà une responsabilité criminelle de quiconque dirige le travail d’autrui relativement aux blessures corporelles que cette personne peut subir. L’article 217.1 du Code criminel prévoit ce qui suit :
217.1 « Il incombe à quiconque dirige l’accomplissement d’un travail ou l’exécution d’une tâche ou est habilité à le faire de prendre les mesures voulues pour éviter qu’il n’en résulte de blessure corporelle pour autrui. »
Cette responsabilité est accrue pour l’employeur depuis la légalisation.
Concernant l’impact de la légalisation dans le milieu de travail, il y a encore peu d’information pertinente au Canada.
Aux États-Unis, une enquête a été menée le 25 janvier 2017 dans les états ou la marijuana à usage récréatif était légale (Michael Roberts, survey Westwork, January 29, 2018)
- 48% ont déclaré s’être présentés au travail au moins une fois, alors qu’ils étaient sous l’effet du cannabis;
- 39% d’entre eux ont dit qu’ils le faisaient au moins une fois par semaine.
Concernant l’impact de la légalisation de façon générale au Canada, l’information commence à être intéressante :
Résumé des résultats de l’enquête nationale sur le cannabis, deuxième trimestre de 2019
Les hommes sont près de deux fois plus susceptibles que les femmes d’avoir consommé du cannabis
Les hommes (21%) étaient près de deux fois plus susceptibles que les femmes (12%) d’avoir consommé du cannabis au cours du premier trimestre de 2019.
Près de 3 femmes sur 5 ont signalé n’avoir jamais consommé de cannabis (59%) comparativement à un peu plus de la moitié des hommes (51%).
Les hommes sont plus susceptibles de consommer du cannabis tous les jours ou presque tous les jours.
La consommation quotidienne ou quasi quotidienne était deux fois plus rependue chez les hommes (8%) que chez les femmes (4%).
Note : La recherche démontre que de consommer du cannabis sur une base régulière ou sur une longue période est associé à un risque de dépendance et de mauvaise santé mentale.
Rappel que les effets du cannabis peuvent engendrer :
- Des problèmes d’attention et de vigilance;
- De la distorsion du temps et espace (désorientation spatio-temporelle);
- Des troubles cognitifs et de mémoires;
- De L’euphorie et relaxation.
Près de cinq millions de Canadiens déclarent avoir consommé du cannabis au deuxième trimestre 2019.
29% de l’ensemble des consommateurs actuels se procurent leurs cannabis auprès de la source légale.
Fumer demeure le mode de consommation du cannabis le plus populaire (68% hommes et 62% femmes).
Les hommes sont plus susceptibles d’acheter du cannabis, tandis que les femmes sont plus susceptibles d’en obtenir gratuitement par l’intermédiaire des membres de la famille et d’amis.
Au niveau du Québec, le sondage dévoilé par la firme ADP le 3 octobre dernier précise:
73% des travailleurs québécois croient que la légalisation du cannabis n’a eu à Aucun effet sur la productivité au travail;
Seulement 7% observent une augmentation de l’absentéisme et des accidents en lien avec le cannabis.
Le cannabis est peut-être légal au pays, mais demeure interdit dans la plupart des lieux de travail!
Mais, il n’en demeure pas moins que plusieurs inquiétudes sont toujours très présentes chez de nombreux employeurs, notamment :
- Concernant les employés qui conduisent des véhicules motorisés ou de la machinerie lourde;
- L’impact sur la diminution de la performance;
- L’application des mesures disciplinaires;
- L’impact sur la ponctualité, la présence au travail, etc.
Pour ma part, je me pose certaines questions.
Suite à la législation du cannabis, est-ce que la SQDC a attiré particulièrement de nouveaux utilisateurs? Il reste quand même 71% des utilisateurs qui se procurent du cannabis de façon illégale! Le prix de vente en est-il le motif?
Comment les employeurs vont s’ajuster à la demande de plus en plus importante à l’accommodation de cannabis pour fin médicinale? L’employeur peut toujours interdire de fumer du cannabis à proximité des lieux de travail. Le vapotage ou l’huile sont-ils des compromis acceptables à l’accommodement?
Le travailleur ne doit pas exécuter son travail lorsque son état représente un risque pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique, ou encore celles des autres personnes qui se trouvent sur les lieux de travail ou à proximité de ces lieux, notamment en raison de ses facultés affaiblies par l’alcool, la drogue, incluant le cannabis, ou une substance similaire. Que prévoit notre politique dans ce sens?
Qu’en est-il de la dénonciation d’un travailleur envers son collègue? Que prévoit notre politique?
Bref, encore plusieurs questions permettent certaines analyses et discussions à l’interne en fonction du milieu, de la culture organisationnelle, de la politique drogue et alcool.
Et surtout, ne pas oublier la formation des superviseurs et l’information à l’ensemble des membres de l’organisation concernant votre politique!
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