Par Chantale Lemay, avocate
Nous profitons de cette première édition de l’Infolettre GPI pour souhaiter à tous nos clients et partenaires une bonne et heureuse année 2016, remplie de défis et de belles réalisations.
Ainsi, quoi de mieux pour bien commencer l’année que de faire un bref survol de certaines décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles (CLP) l’an passé dans nos différents dossiers. Bien entendu, vous comprendrez que nous avons effectué une sélection très succincte desdites décisions, car dans l’ensemble, elles sont beaucoup trop nombreuses. Voici donc les extraits de quelques-unes d’entre elles qui, à notre avis, sont plutôt intéressantes au niveau des principes jurisprudentiels et pourraient être pertinentes à vos organisations.
IBA Installations inc.
Le travailleur subit une lésion professionnelle qui lui a occasionné une élongation musculaire au poignet droit. Au cours des semaines suivantes, les différents intervenants notent une amélioration progressive de la condition médicale du travailleur. L’assignation temporaire est rapidement mise en place. Or, dans le cadre du suivi médical, le travailleur est soumis à un examen par résonnance magnétique. Suite à cet examen, on note une détérioration significative de la condition du travailleur qui allègue maintenant d’importantes douleurs irradiant de l’épaule à la main droite. Il n’y a toutefois aucun nouveau diagnostic clair retenu par le médecin traitant ni accepté par la CNESST en lien avec cette dégradation. L’employeur adresse une demande de transfert des coûts reliée à la lésion professionnelle à compter de la date de l’examen au motif qu’une lésion (détérioration) est apparue à l’occasion des soins (art. 31 et 327 LATMP).
Dans sa décision, la CLP indique que la lésion professionnelle évoluait de façon très favorable jusqu’à ce que le travailleur ne subisse cet examen par résonance magnétique. Dans ce contexte, le tribunal estime que la détérioration de la lésion est assimilable à une maladie distincte de la lésion professionnelle dans la mesure où les symptômes et le tableau clinique rapportés n’ont plus rien à voir avec l’entorse du poignet. La CLP a donc désimputer les coûts de la lésion postérieurs à la résonnance magnétique.
Maxi-métal inc et Cyr
Le travailleur est victime d’une lésion professionnelle suite à une rechute récidive aggravation. Dès suite de cette RRA, le médecin traitant complète un rapport final dans lequel il indique que le travailleur conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Il mentionne aussi que le travailleur ne peut retourner à son emploi de journalier. À la suite de ce rapport final, la CNESST procède à une expertise en vertu de l’article 204 LATMP dans le but d’obtenir une opinion médicale, notamment, sur la question des limitations fonctionnelles. Sur réception du rapport d’expertise (art. 204 LATMP) qui mentionne que le travailleur ne conserve pas de limitation fonctionnelle supplémentaire, le médecin traitant complète un rapport complémentaire et se dit en accord avec le médecin de la CNESST, et ce, sans avoir revu le travailleur. Bien entendu, compte tenu de l’opinion du médecin traitant, la CNESST déclare que le travailleur n’a pas droit à la réadaptation et qu’il est en mesure d’effectuer un retour au travail. Or, l’employeur et le travailleur contestent ladite décision de la CNESST. Dans le cadre de l’audition, les parties soulèvent l’irrégularité de la procédure d’évaluation médicale en raison du fait que le médecin traitant n’a jamais discuté avec le travailleur avant de compléter le rapport complémentaire et ainsi, de modifier son opinion initiale.
À sa décision, la CLP souligne l’importance du rôle du médecin désigné à l’égard des questions d’ordre médicale. Compte tenu des lourdes conséquences du changement d’opinion du médecin traitant, ce dernier a l’obligation d’étayer ses conclusions. Or, en l’espèce, le médecin traitant n’a jamais informé le travailleur de l’existence du rapport complémentaire. La CLP a alors déclaré que la procédure d’évaluation médicale était irrégulière. Le dossier a été retourné à la CNESST afin que le dossier soit dûment transmis au Bureau d’évaluation médicale.
Sinox Concept inc. et Ruel
Un travailleur a subi un accident de travail qui lui a occasionné une lacération au pouce droit. À la suite d’une chirurgie, ce dernier a développé un névrome au pouce droit. Dans le cadre du suivi administratif du dossier, la CNESST a accepté le nouveau diagnostic de névrome comme étant en relation avec l’événement initial (et non avec la chirurgie). Cette décision n’a jamais été contestée par l’employeur qui, de toute façon, souhaitait présenter une demande de désimputation à l’égard de ce nouveau diagnostic qui avait clairement été occasionné par le fait ou à l’occasion des soins (art. 31 et 327 LATMP). Or, en novembre 2014, la CLP a rendu une décision dans l’affaire Canadelle, laquelle indique que désormais, l’employeur ne pouvait plus soumettre une demande de transfert d’imputation en vertu de l’article 327 et 31 LATMP dans le cas où la CNESST avait déjà rendu une décision à l’effet que le nouveau diagnostic est en relation avec l’événement initial (et non avec les soins). Compte tenu de ce changement jurisprudentiel, l’employeur a contesté hors délai la décision rendue à l’égard du nouveau diagnostic de névrome.
Pour expliquer son retard et ainsi être relevé de son défaut d’avoir contesté dans les délais prévus à la Loi, l’employeur a plaidé qu’il n’avait pas l’intérêt né et actuel de contester ladite décision à l’époque puisqu’il pouvait tout de même, jusqu’à ce jour, adresser une demande de désimputation auprès de la CNESST. Malheureusement, la CLP n’a pas accepté cet argument, concluant que la décision rendue par la CNESST et non contestée était devenue finale et que remettre, aujourd’hui, en cause cette décision porterait atteinte au principe de la stabilité des décisions. Dommage!
Groupe Isolofoam inc.
L’employeur conteste devant la CLP la décision de la CNESST qui refuse sa demande de partage à l’égard des coûts reliés à la lésion professionnelle subie par une travailleuse qui lui aurait occasionné une fracture au coude droit. Lors de cet événement, la travailleuse s’était cogné le coude sur un garde. Ainsi, l’employeur a fait la démonstration que cette dernière souffrait de diabète insulino-dépendant et d’ostéoporose depuis plusieurs années et que n’eût été cette condition personnelle préexistante, il n’y aurait simplement pas eu de fracture. La CLP a alors conclu que le diabète type 1 et l’ostéoporose sont des facteurs de risques pour une fracture et ce faisant, ils ont joué un rôle au niveau de la fragilisation du coude.
Il s’agit d’un cas où la condition personnelle de la travailleuse a clairement joué un rôle non seulement sur les conséquences, mais surtout, sur la survenance même de la lésion professionnelle. La CLP a donc donné suite à la demande de partage de coûts de l’employeur et infirmer la décision de la CNESST.
En terminant
OBJECTIF MENSUEL
Saviez-vous que plus du 2/3 du coût total d’un dossier CNESST est attribuable au versement des indemnités pour remplacement de revenu (IRR) ?
L’article 179 LATMP prévoit que l’employeur d’un travailleur victime d’une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, si le médecin traitant croit que :
- Le travailleur est raisonnablement en mesure d’accomplir ce travail;
- ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et
- ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.
Il importe d’utiliser un formulaire comportant ces trois questions. Avenant le cas où un travailleur refuserait d’effectuer l’assignation dument autorisée par son médecin ou si l’assignation était interrompue en raison d’une cause étrangère à la lésion professionnelle (grossesse, maladie personnelle, démission, retraite, etc.), l’employeur peut alors demander une suspension des IRR et/ou une demande de désimputation. Cependant, pour avoir gain de cause, l’employeur doit posséder un formulaire dûment complété par le médecin traitant et l’assignation temporaire doit avoir été débutée par le travailleur.
Afin d’atteindre vos objectifs SST pour l’année 2016, vous devez mettre en place une politique et des formulaires d’assignation temporaire adaptés à votre milieu de travail, voici quelques pistes pour les atteindre :
- Rédiger ou mettre à jour sa politique en matière d’assignation temporaire, et pourquoi pas une politique sur la santé et la sécurité au travail!;
- Cibler avec l’aide de vos travailleurs et/ou superviseurs des tâches d’assignation temporaire;
- Obtenez des tâches pour chacun de vos départements;
- Créez une banque de formulaire d’assignation temporaire;
- Informez vos travailleurs de l’emplacement et de la nécessité de faire compléter les formulaires d’assignation temporaire;
- Soyez imaginatif, déterminé et persévérant!
C’est maintenant à vous d’en tenir compte dans la revue de votre plan d’action!
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Le présent blogue ne constitue pas un avis juridique et a été rédigée uniquement à des fins d’information. Les lecteurs ne devraient pas agir ou s’abstenir d’agir en fonction uniquement du Bulletin. Il est de la responsabilité du lecteur de consulter un professionnel pour l’obtention de conseils juridiques spécifiques à sa problématique.