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Par Denis Verreault, Préventionniste

La volonté des entreprises de créer un milieu de travail sécuritaire et sans accident s’incarne par la mise en place de programme qui visent à réduire la fréquence des accidents par la sensibilisation, l’observation et la collaboration. Alors nous devons travailler sur les comportements des travailleurs.

Partant du constat que près de deux tiers des accidents du travail seraient liés à des problèmes de comportements (violation de procédure, non-respect des règles de sécurité, erreurs…), il serait logique de penser qu’en modifiant les comportements, on pourrait réduire le nombre d’accidents du travail. Ainsi, deux types de comportements sécuritaires devraient être développés :

  • des comportements de prudence, à savoir respecter et appliquer les règles de sécurité, porter les équipements de protection individuelle (EPI).
  • des comportements d’initiative pour la sécurité tels que faire des suggestions pour éviter un danger, améliorer la sécurité, partager des savoir-faire de prudence. Les savoir-faire de prudence sont des pratiques informelles de sécurité, non reconnues, non formalisées, issues de l’ingéniosité d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs ayant pour but la réduction des accidents de travail (pour exemple, un menuisier qui remet son marteau à la ceinture).

2 approches peuvent être envisagées afin d’obtenir des changements de comportements :

  • Première conception : partant du principe que c’est l’ignorance ou la non perception du risque qui va entraîner des négligences ou l’adoption de comportements dangereux, on aura comme objectif de changer les pensées, les perceptions pour changer dans un second temps les comportements.
  • Deuxième conception : ce n’est pas parce qu’on est conscient des risques qu’on change pour autant son comportement, preuve en est la consommation de cigarettes. Ainsi, 26 % des médecins fument alors qu’ils sont conscients du risque, des dangers encourus ainsi que des moyens permettant de limiter la consommation de cigarettes.

Modifier la perception du risque pour modifier le comportement

L’objectif est de mettre en évidence le risque, les dangers encourus ainsi que les moyens de prévention. Cela passera par de la sensibilisation, de la formation, de la communication écrite ou visuelle.

Une des limites de la communication persuasive est que nous n’allons pas forcément communiquer sur l’argument qui est pertinent pour la personne concernée.  Si je vous demande pourquoi vous attachez votre ceinture de sécurité, plusieurs réponses sont possibles : Pour limiter les risques de blessures en cas d’accident/ Pour montrer le bon exemple à mes enfants/ pour éviter une contravention/ Pour éviter d’entendre le « bip bip » sonore. Si je choisis de communiquer sur l’un de ces arguments, je ne toucherais donc pas l’ensemble des personnes concernées. Si je choisis de communiquer de façon persuasive, il me faudra donc penser à évoquer tous les arguments et par ailleurs privilégier la simplicité du message ainsi que sa répétition sous différentes formes. Dans l’entreprise, les occasions de rappel des règles de sécurité sont nombreuses : réunion éclair, réunion mensuelle, point sécurité, entretiens annuels, rappels visuels ou écrits (newsletter, fiche de poste, procédure, affichage, pictogrammes…).

Qu’est ce qui fait que, même conscient du risque, on ne change pas de comportement ?

Quand une personne reçoit une information relative à un risque, son cerveau va l’analyser à deux niveaux (de façon plus ou moins consciente) :

  • premier niveau : la menace est-elle crédible ? Suis-je concerné(e) par ce risque ? si les réponses sont « oui », un sentiment de peur va se déclencher puisqu’il y a un danger perçu.
  • L’analyse suivante passera par deux questions : puis-je mettre les recommandations en œuvre ? est-ce que je me sens capable de le faire ? Si la personne pense que c’est trop compliqué à mettre en œuvre ou qu’elle n’a pas les compétences/capacités pour le faire, elle développera ce qu’on appelle des « stratégies de coping », à savoir elle mettra en place des stratégies pour diminuer son sentiment de peur. Cela peut passer par du déni (« je ne veux pas qu’on m’en parle ») du fatalisme (« il faut bien mourir de quelque chose »), du déni « tous mes collègues sont encore là et depuis 30 ans, il n’y a jamais rien eu de grave »), de l’optimisme comparatif (« je conduis mieux que les autres »), etc.

Il faut tenir compte de deux caractéristiques du changement :

  • Pour changer un comportement, il faut le vouloir, c’est-à-dire qu’il faut être motivé. Pour expliquer la motivation, je vous propose la métaphore de la balance : sur l’un des plateaux se trouvent les avantages au changement, sur l’autre plateau les inconvénients. Etre motivé ce n’est rien d’autre que percevoir plus d’avantages que d’inconvénients. Si mon changement de comportement me permet de diminuer le risque de me blesser (avantages), pour autant il peut impliquer plus d’inconvénients en termes de perte de temps et d’impact sur ma production. Tant que ma balance sera ainsi, je ne changerai pas de comportements. Aider au changement sera donc faire percevoir plus d’avantages (créer des réunions participatives pour les identifier) et lever les obstacles au changement (identifier les freins et rechercher des solutions).
  • Un autre élément dont il faut tenir compte est celui de la résistance au changement. Une part de nous est programmée à être dans l’équilibre (ce qu’on appelle l’homéostasie en physiologie). Il faut donc envisager le risque de réactance face au changement : puis on mettra la pression, plus il y aura de résistance. A l’inverse, plus une personne se sent libre, plus elle va se soumettre.

Comment changer les comportements ?

Les changements de comportements peuvent passer par différentes stratégies, cette liste n’étant pas exhaustive.

La formation, avec trois cibles :  le « pouvoir penser » (faire évoluer les représentations par rapport aux risques et à la SST), le « pouvoir agir » (trouver des réponses aux problèmes), et le « pouvoir débattre » (faire se rencontrer et se confronter les différentes logiques de l’entreprise).

– Modification du comportement par la sanction ou la récompense. Nous sommes là face au principe de base de ce qu’on appelle le béhaviorisme : un comportement disparait s’il ne trouve pas d’intérêt ou s’il est puni et, à l’inverse, il va se renforcer s’il est encouragé.

La communication engageante, qui consiste à « amener autrui à modifier ses comportements (et notamment émettre des comportements qu’il n’aurait pas réalisé de lui-même directement) sans recourir ni à l’autorité ni même à quelque stratégie persuasive que ce soit ».

–  Agir sur les émotions :  partant du principe que « nous ne sommes pas (que) des êtres rationnels » (David Kahneman, prix Nobel), il faut s’occuper à la fois de la raison et des émotions. S’occuper de la raison, c’est donner une direction claire, des étapes intermédiaires et montrer que le changement est possible. S’occuper des émotions, c’est « jouer » plutôt sur des émotions positives (telles l’envie, la fierté) que sur des émotions négatives (comme la peur).

L’observation par les pairs :  après avoir constitué un comité de salariés qui analyse les accidents survenus l’année précédente, les comportements non sécuritaires les plus fréquents vont être identifiés afin de construire une fiche d’observation. Les salariés seront informés de la méthodologie (à savoir que des observateurs vont s’arrêter de travailler pour observer leurs collègues) et un appel à volontariat pour les observateurs sera réalisé. Les observateurs recevront une formation pour apprendre à faire un feedback constructif, pour connaître les bases de la SST et pour savoir comment collecter les données. Lors de la phase d’observation, l’observateur va se libérer de son poste et va demander de façon aléatoire à un salarié s’il accepte d’être observé pendant une vingtaine de minutes, en précisant qu’il n’y a aucune sanction en cas de manquement aux comportements sécuritaires et que la fiche est anonyme. A l’issue de l’observation, un feedback constructif est donné et il est demandé aux salariés des suggestions d’amélioration. Après saisie des différentes fiches d’observation, un plan d’action est établi par le comité. Cette méthode a été appliquée chez DuPont, entreprise de l’industrie chimique, avec un programme appelé STOP (pour Sécurité au Travail par l’Observation Préventive). Ce sont ici les superviseurs qui réalisent les observations. Le résultat de cette méthode est la plus longue période sans blessure avec perte de temps jamais observée de l’industrie chimique au Canada. Les critères d’efficacité de cette méthode sont:»

STOP pour Tous 

«Le programme STOP pour Tous est basé sur le concept suivant : la sécurité est la responsabilité de tous. Il a pour objectif d’aider les participants à considérer la sécurité sous un nouvel angle, afin de mieux veiller à leur propre sécurité et à celle de leurs collègues. Au cours du programme, les participants augmentent leur prise de conscience de la sécurité et améliorent leurs techniques de communication afin de pouvoir parler de la sécurité avec les autres, sous tous ses aspects. STOP pour Tous est conçu pour l’ensemble des employés. Tous effectueront des observations planifiées et non planifiées de sécurité entre pairs. »

Concepts principaux

  • La conscience de la sécurité: Acquérir de nouveaux automatismes, afin d’avoir toujours conscience de la sécurité et d’en faire une seconde nature, aussi bien sur le lieu de travail que dans la vie personnelle.
  • L’interdépendance: Prendre en compte la sécurité de ses collègues en plus de la sienne.
  • La communication: Informer et partager entre collègues sur les risques et les meilleures façons d’agir en sécurité.

Autres points importants

  • La sécurité au quotidien: Traiter de la sécurité au travail quotidiennement et pas seulement lors des observations de sécurité.
  • La sécurité des collègues: Considérer que les collègues dépendent les uns des autres pour assurer la sécurité sur leur lieu de travail. Il ne s’agit pas seulement de sécurité individuelle.
  • Les conditions et les actions: Mettre l’accent sur la façon dont les interactions entre les personnes et les conditions créent des situations sûres ou des situations dangereuses.
  • La communication entre collègues: Encourager le développement d’un état d’esprit ouvert où la sécurité fait partie des discussions quotidiennes et n’est pas seulement réservée aux observations formelles de sécurité.

Le programme STOP pour Tous encourage une culture de sensibilisation et de responsabilité qui valorise la prévention, le travail en sécurité et la communication.

 


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