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Par Chantale Lemay, avocate

Bouleversement jurisprudentiel à la CLP : impact dans la gestion de la lésion survenue à l’occasion des soins ou de leur omission.

 

Il est bien connu que le principe général à la base du financement du régime d’indemnisation de la CSST implique que tous les coûts relatifs à la lésion professionnelle survenue à un travailleur sont imputés au dossier de l’employeur. Ainsi, toutes les sommes versées par la CSST dans le cadre de l’évolution d’une lésion professionnelle, tels les indemnités de remplacement du revenu (IRR), les frais de physiothérapie, les médicaments, l’indemnité pour préjudice corporel, ou autres, sont imputés au dossier de l’employeur et serviront à fixer la cotisation de ce dernier pour les années à venir (1).

 

Cependant, le législateur a prévu quelques exceptions qui échappent à la règle. Ainsi, c’est le cas des prestations versées en raison d’une nouvelle lésion survenue à l’occasion des soins ou suite à l’omission de ceux-ci :

Art. 327:     La Commission impute aux employeurs de toutes les unités le coût des prestations:

  • (1°) dues en raison d’une lésion professionnelle visée dans l’article 31

Art. 31 :      Est considérée une lésion professionnelle, une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l’occasion:

  • (1°) des soins qu’un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle ou de l’omission de tels soins;
  • (2o) d’une activité prescrite au travailleur dans le cadre des traitements médicaux qu’il reçoit pour une lésion professionnelle ou dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation »

 

En effet, dans le cadre de l’évolution d’une lésion professionnelle, il se peut que les différents soins ou traitements administrés au travailleur ne donnent pas les résultats escomptés. Au contraire, il arrive même que ces soins occasionnent une nouvelle affection. Sur le plan pratique, le diagnostic ultérieurement apparu devrait faire l’objet d’une décision d’admissibilité distincte de la part de la CSST. Il s’agit d’une décision relative à un nouveau diagnostic.

Dans un tel cas, il appert que le travailleur en cause aura le droit d’être aussi indemnisé pour les conséquences de cette lésion spécifique. Toutefois, en tant qu’employeur, vous pourriez bénéficier d’une désimputation partielle des frais reliés à celle-ci puisqu’ils n’ont pas été engendrés directement par l’accident de travail ou la maladie professionnelle.

Bien entendu, comme gestionnaire, il est important de demeurer à l’affût d’une telle situation qui permet de réduire les impacts financiers d’une lésion professionnelle et ainsi, de gérer efficacement les coûts relatifs à la CSST.

Sur le plan juridique, au cours des dernières années, il existait une certaine controverse au sein de la Commission des lésions professionnelles (CLP) quant à l’application de l’article 327 LATMP et de la possibilité, pour un employeur, de produire une telle demande de désimputation.

 

La CLP a mis fin à cette controverse

Dernièrement, soit en novembre 2014, la CLP a mis fin à cette controverse. Dans la décision Canadelle SEC et CSST (2) le Tribunal formé d’un banc de trois a maintenant fait le point sur cette question.

1- D’abord, la CLP a confirmé la règle à l’effet que l’employeur peut toujours produire une demande de transfert des coûts en vertu de l’article 327 (1) dans la mesure où ladite nouvelle lésion n’a jamais fait l’objet d’une décision d’admissibilité par la CSST;

2- Toutefois, la CLP a tranché le débat en confirmant que, si la nouvelle lésion a déjà fait l’objet d’une décision de la CSST déclarant que ce nouveau diagnostic était en relation avec l’événement d’origine, il n’était plus possible pour l’employeur de bénéficier d’une désimputation. En effet, la CLP a reconnu que, dans un tel cas, il était primordial que la CSST ait qualifié, dès le départ, que la nouvelle lésion était attribuable aux soins, et ce, conformément à l’article 31 LATMP. La CSST doit accepter celle-ci en tant que lésion découlant des soins ou des traitements reçus ou omis en raison d’une lésion professionnelle;

3- Cette récente décision de la CLP implique que l’employeur doit être très vigilant lorsqu’un nouveau diagnostic apparait dans le cadre de l’évolution d’une lésion professionnelle. Dans un tel cas, il est important de rapidement identifier les circonstances entourant l’apparition d’une telle lésion.

 

Une revue de la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles nous a permis de cibler quelques diagnostics qui peuvent avoir été occasionnés par les soins ou l’absence de ceux-ci. En voici quelques exemples répertoriés :

  • Algodystrophie (CRPS);
  • Non-union;
  • Infection;
  • Thrombophlébite;
  • Cellulite;
  • Capsulite;
  • Ankylose;
  • etc.

En conclusion, prenez garde ! Si cette lésion est acceptée par la CSST comme découlant de l’événement d’origine, même s’il semble évident qu’elle survient dans le contexte des soins reçus pour la lésion professionnelle initiale, l’employeur n’aura pas droit au transfert d’imputation. En résumé, en cas de doute, vaut mieux contester ladite décision afin de sauvegarder vos droits.

 

Objectif mensuel

Vos dossiers s’accumulent? Vos classeurs débordent? Vous ne savez plus où mettre les billets médicaux, les expertises, les examens de vos dossiers CSST? Vous empilez les billets médicaux, et ce, sans même les regarder? Ou encore vous êtes bouche bée par la calligraphie du médecin?

La vraie question : que faut-il analyser et à quoi devons-nous porter attention sur les billets médicaux? Il importe de rappeler que ces documents constituent votre principal outil de gestion et contiennent une multitude de détails et de renseignements pertinents.

Afin de vous aider dans l’analyse de vos dossiers, voici des éléments qui peuvent guider et vous donner une idée de la direction que prend le dossier de votre travailleur :

  • La mention d’une chirurgie à venir;
  • L’évolution, la modification ou l’apparition de nouveaux diagnostics;
  • Les soins prescrits (infiltration, bloc facettaire, bloc foraminal, etc.);
  • Les traitements prescrits (physiothérapie, ergothérapie, massothérapie, etc.);
  • Les examens à venir (IRM, arthro-IRM, tomodensitométrie, etc.) ;
  • Les références vers des spécialistes (orthopédie, neurologie, psychologie, etc.);
  • Les observations & mentions du médecin traitant (douleur, récidive, aggravation, amélioration, etc.).

À ce sujet, lorsqu’un changement survient dans l’évolution de votre dossier, vous devez vous assurer d’avoir en mains l’ensemble du dossier médico-administratif du travailleur afin d’analyser les démarches à venir et les recours possibles :

  • Notes médicales du médecin traitant;
  • Billets médicaux;
  • Protocole opératoire;
  • Résultats des examens;
  • Rapports de physiothérapie, d’ergothérapie, etc.;
  • Copies des expertises et des consultations des spécialistes;
  • Dossier CSST complet.

 

(1) Article 326 Loi sur les accidents du travail et des maladies professionnelles (LATMP);
(2) Canadelle s.e.c. et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2014 QCCLP 6290

 

Le présent Blogue ne constitue pas un avis juridique et a été rédigée uniquement à des fins d’information. Les lecteurs ne devraient pas agir ou s’abstenir d’agir en fonction uniquement du Bulletin. Il est de la responsabilité du lecteur de consulter un professionnel pour l’obtention de conseils juridiques spécifiques à sa problématique.

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